J’ai grandi dans une famille religieuse où l’on me voyait comme l’enfant calme, discret, parfois turbulent, mais toujours attaché à la parole de Dieu. Comme beaucoup de jeunes, mes rêves étaient simples : réussir, rendre mes parents fiers, avancer avec droiture.
Le 24 juillet 2018, tout semblait aller dans ce sens : j’avais décroché mon baccalauréat et été orienté à l’Université Félix Houphouët-Boigny. Mes parents pensaient m’offrir les meilleures conditions en me confiant à des proches, à Cocody. Nourriture, électricité, maison confortable : tout semblait réuni pour réussir. Mais derrière les murs de la villa, une autre réalité m’attendait.
Quand le rêve devient cauchemar
Très vite, mes tuteurs ont rejeté la filière que j’avais choisie : la criminologie. Pour eux, ce n’était pas une vraie voie. Alors, au lieu de m’encourager, ils ont commencé à m’empêcher d’étudier. Mes cahiers disparaissaient, mes heures de révisions étaient confisquées.
Chaque jour, je devais me lever à 4h du matin pour accomplir des tâches ménagères sans fin : nettoyage, cuisine, entretien. J’accompagnais mes cousins à l’école, avant de courir à mes cours épuisé. En classe, mes yeux se fermaient malgré moi. Peu à peu, la fatigue s’est transformée en colère, puis en haine silencieuse.
La descente dans l’ombre
Au fil des mois, le mal-être est devenu insupportable. Je n’avais plus goût à la vie, et mes pensées se sont assombries. Plusieurs fois, j’ai cherché à disparaître, à en finir. Mais la mort me fuyait.
Ne trouvant aucun soutien, je me suis réfugié dans des échappatoires dangereuses : d’abord la drogue, ensuite l’alcool, puis les excès en tout genre. Chaque fois que je pensais y trouver un soulagement, je m’enfonçais un peu plus.
Mon quotidien est devenu un mélange de dépendances, d’errances nocturnes et de solitude. J’étais devenu l’ombre de moi-même.
La prison intérieure
Même si j’ai échappé de justesse à des arrestations et à des drames plus graves, je savais que j’étais déjà prisonnier. Prisonnier de mes choix, de mes addictions, de ma haine et de mes blessures intérieures.
Je m’isolais de plus en plus, noyant mes jours dans l’alcool, la pornographie et les dérives. Je ne reconnaissais plus l’enfant que j’avais été, ni les rêves qui m’avaient animé.
Un cri pour ne pas sombrer
Aujourd’hui, si je partage cette histoire, ce n’est pas pour choquer. C’est pour prévenir. Parce que je sais qu’il y a d’autres jeunes comme moi, d’autres étudiants, d’autres enfants de familles respectables qui se perdent dans le silence de leur souffrance.
Une mauvaise orientation, une famille toxique, un sentiment d’abandon… et la vie bascule.