Face à la montée des tensions et aux appels à sa destitution, le président Andry Rajoelina s’est adressé à la Nation dans un discours solennel. Il y a justifié la dissolution de l’Assemblée nationale, annoncée plus tôt dans la journée, tout en appelant les Malgaches à la paix et à l’unité.
« J’entends la voix du peuple malgache »
Le chef de l’État a commencé par reconnaître le climat de colère et de défiance qui secoue le pays depuis plusieurs semaines.
« Je veux vous dire aujourd’hui que j’entends cette voix du peuple malgache. J’entends vos inquiétudes, vos critiques et vos aspirations », a déclaré Andry Rajoelina, dans une allocution retransmise sur la télévision nationale.
Les manifestations menées par le collectif Gen Z, rejointes par plusieurs syndicats et unités militaires, ont mis le pouvoir sous pression. Mais le président a affirmé n’avoir « jamais fui ses responsabilités », tout en évoquant des menaces contre sa sécurité.
« J’ai décidé de dissoudre l’Assemblée nationale »
Rajoelina a ensuite annoncé la dissolution de l’Assemblée nationale, en s’appuyant sur l’article 60 de la Constitution malgache.
« Cette décision grave mais nécessaire vise à préserver le fonctionnement régulier des institutions et à redonner la parole au peuple souverain », a-t-il expliqué.
Le décret n° 2025-1051 précise que de nouvelles élections législatives anticipées devront être organisées dans les 60 à 90 jours, conformément au texte fondamental. Le président assure avoir « consulté le Premier ministre et les présidents des deux chambres » avant sa décision, une affirmation que conteste l’opposition.
« La colère ne doit pas se transformer en haine »
Dans la deuxième partie de son discours, Andry Rajoelina a tendu la main à la jeunesse malgache, reconnaissant les difficultés économiques et sociales.
« Je comprends la colère de notre jeunesse. Elle est légitime lorsque l’eau manque, lorsque l’électricité se fait rare, lorsque les perspectives d’avenir semblent s’éloigner », a-t-il déclaré, avant d’ajouter :
« Mais la colère ne doit pas se transformer en haine. Aucun progrès durable ne peut naître dans le chaos. »
Le président a ensuite appelé à un dialogue national inclusif, invitant partis politiques, syndicats et société civile à « restaurer la confiance et la paix sociale ».
Une allocution défensive et stratégique
Cette adresse à la Nation intervient alors que des députés de l’opposition s’apprêtaient à voter une motion d’“abandon de poste” visant le président, une procédure qui aurait pu mener à sa destitution.
Pour de nombreux analystes, la dissolution apparaît comme une manœuvre politique préventive : elle empêche le vote tout en conservant une apparence de légalité constitutionnelle.
Le chef de l’État a également démenti les rumeurs selon lesquelles il aurait quitté Madagascar.
« Je ne me cache pas. Je me protège pour mieux protéger la République », a-t-il affirmé, sans préciser sa localisation.
Une sortie de crise incertaine
Les réactions à ce discours sont contrastées. L’opposition dénonce un « coup de force institutionnel », tandis que plusieurs acteurs religieux appellent à la médiation.
La communauté internationale, pour sa part, observe avec prudence la situation, insistant sur la nécessité de respecter le calendrier électoral et d’assurer un climat apaisé avant tout scrutin.
Vers un nouveau dialogue ?
En concluant son allocution, Andry Rajoelina a cherché à raviver la fibre patriotique :
« L’histoire de notre pays a connu des épreuves. À chaque fois, c’est la sagesse du peuple malgache qui a triomphé. Ensemble, nous reconstruirons la stabilité, la sécurité et la prospérité. Vive Madagascar ! »
Reste à savoir si cet appel sera entendu dans un pays profondément divisé, où la rue continue de réclamer des changements concrets et immédiats.